Thursday, January 10, 2013

 

De notre correspondant en Turquie

L’Afrique est désormais pour la Turquie la « zone prioritaire de coopération stratégique du XXIe siècle », a annoncé le Premier ministre turc lors d’un forum économique organisé à Niamey. Au deuxième jour de cette tournée africaine historique, la plus longue et la première du genre pour un chef de gouvernement turc, Recep Tayyip Erdogan a reçu des mains du président Mohamed Youssoufou la médaille du mérite national, récompensant selon le chef de l’Etat nigérien le « rôle de pays modèle dans le monde musulman » et symbolisant la « modernisation de l’islam ».
Une distinction qui sonne agréablement aux oreilles du dirigeant turc dont le Parti de la justice et du développement, l’AKP, arrivé au pouvoir il y a dix ans, a initié cette nouvelle diplomatie. C’est sous son impulsion que le gouvernement avait décrété 2005 « Année de l’Afrique » et initié des relations quasi-inexistantes jusqu'à présent avec les pays de l’Afrique sub-saharienne ; alors même que des liens plus étroits existaient avec les pays d’Afrique du Nord, pour la plupart anciennes provinces de l’empire Ottoman. En 2008, L’Union africaine avait fait d’Ankara un « partenaire stratégique », et la Turquie avait organisé le premier sommet de la Coopération Turquie-Afrique, auquel avaient participé 53 pays.
Nouveaux marchés
« A l’inverse de certains, a dit M. Erdogan à Niamey, désignant les anciennes puissances coloniales, nous ne venons pas lorgner sur votre pétrole, votre or ou vos diamants, mais tisser une fraternité et une amitié fondées sur le respect et le développement mutuel ». Dotée depuis longtemps d’une forte croissance, la Turquie vient évidemment chercher là de nouveaux marchés à l’exportation pour ses produits manufacturés et son savoir-faire en matière de construction - un des points forts de l’économie turque – ainsi que de nouvelles sources d’approvisionnement, notamment en matières premières.
En 2002, le volume des échanges de la Turquie avec les pays africains représentait à peine deux milliards de dollars, volume dépassant dix-sept milliards en 2012. Vecteur de ces nouvelles relations économiques, la compagnie aérienne nationale Turkish Airlines dessert désormais une trentaine de destinations dans une vingtaine de pays africains, et vient par exemple d’ouvrir une liaison directe avec Nouakchott, en Mauritanie. La Turquie a adhéré à la Banque africaine de développement, à la communauté économique des Etats d’Afrique de l’ouest et à l’Afreximbank, et multiplie les sommets ou visites d’affaires dans la région.
Influence
« Notre objectif est de porter le montant de nos échanges économiques à 50 milliards de dollars en 2015 », a annoncé le Premier ministre, accompagné du vice-Premier ministre Bekir Bozdağ, du ministre de l’Economie Zafer Çağlayan, des vice-présidents de l’AKP Numan Kurtulmus et Ömer Çelik, de plusieurs députés et de nombreux hommes d’affaires. Des accords de coopération économique, commerciale et technique, de fourniture d’eau potable et de traitement des eaux usées, d’irrigation, de reforestation et de suppression des visas ont été signés avec le gouvernement nigérien. L’agence turque de coopération et de développement TIKA possède huit bureaux en Afrique et s’apprête à en ouvrir un nouveau prochainement au Niger. Elle a déjà réalisé des projets dans plus de 30 pays africains.
L’influence et la présence turques en Afrique s’illustrent par l'augmentation du nombre d’ambassades et de consulats: il est passé, au cours des trois dernières années, de 12 à 32 ; il y en aura deux de plus à la fin de l’année. La confrérie islamiste du prédicateur turc Fethullah Gülen gère un réseau d’écoles dispensant un enseignement en turc à une quinzaine de milliers d’étudiants africains dans une dizaine de pays. Celle-ci a servi à ouvrir les portes du continent aux industriels turcs et aidé, au nom de la solidarité islamique à la reconnaissance internationale d'Ankara. Qui avait compris très tôt qu’en se faisant des pays africains des amis, il augmenterait ses chances d’élection au Conseil de sécurité des Nations unies de l’ONU, ce qui fut le cas en 2009-2010. La Turquie est en outre très active dans le domaine du maintien de la paix, et dans le domaine de l’aide humanitaire, notamment au Darfour et en Somalie où elle a été le premier pays à rouvrir une ambassade l’an dernier.
Quant à la présence africaine en Turquie, elle reste encore assez symbolique mais les représentations diplomatiques africaines se sont multipliées ces dernières années, et le gouvernement turc accueille plus d’un millier d’étudiants boursiers dans des domaines variés

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